ce qu'il faut retenir de la conférence du 13 novembre 2015

 

Nous avons déjà entendu parler des Karoshi, ce phénomène observé pour la première fois au Japon à la fin des années 1960, consistant en une mort subite par épuisement nerveux au travail, causée par une crise cardiaque. Le Burnout est de plus en plus répandu, et pourtant aujourd’hui, toujours non reconnu comme maladie professionnelle par la dernière Assemblée Nationale française en Juillet 2015. Le Burnout ou « épuisement professionnel » n’est pas non plus reconnu par le DSM-5, manuel de classification internationale des pathologies et troubles mentaux. Il n’y aurait pas de critères communs dans le monde médical pour le diagnostiquer. Le problème est-il sérieux ? Il serait bientôt en 2020, selon l’OMS, la première cause de morbidité (c’est à dire d’intention suicidaire)

 

 

 C’est Harold B. Bradley, un psychiatre américain, qui fut le premier professionnel en 1969, à parler d’un stress particulier lié au travail. Ce sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail. Nous ne sommes pas tous égaux face au stress, et selon notre personnalité, notre contexte de vie (responsabilités familiales, solitude, conflits…) et notre estime de soi, nous sommes plus ou moins résistants face aux facteurs différents de stress professionnels.Les causes d’un Burnout peuvent être multiples : surcharge de travail, manque d’autonomie, fort turnover, conflits avec les collègues, instabilité de l’organisation, manque de communication, conflits de rôles (plusieurs casquettes)… et plus généralement lorsqu’il y a un déséquilibre entre les efforts fournis et la reconnaissance obtenue. Selon certains psychologues, le Burnout est davantage la maladie de la reconnaissance, plus que de la surcharge.

Le stress est-il mauvais en soi ?  Au contraire, il a depuis toujours assuré la survie de l’humanité.C’est grâce à lui que l’on peut réagir par la lutte ou la fuite devant un danger imminent. L’augmentation du rythme cardiaque, la constriction des vaisseaux sanguins et la montée d'adrénaline, entre autres, permettent de devenir plus alerte et plus performant. Mais de graves problèmes de santé physiques et psychiques interviennent lorsque le stress devient chronique

Pour s’en sortir ? Tout d’abord prendre du recul, puis apprendre à repérer les premier symptômes (irritabilité, troubles du sommeil, troubles de l’appétit, manque de motivation, rempli sur soi…) afin de pouvoir en parler autour de soi ou se faire aider (médecin du travail, psychologue, homéopathe, généraliste, psychiatre…). Ensuite faire le point sur sa situation (« Où j’en suis ? Comment je me sens ? ») Identifier les facteurs de stress. On peut aussi demander à son entourage s’il a constaté des changements dans notre comportement au quotidien ? Il faut savoir que lorsqu’on commence à réaliser qu’il y a un problème, on est déjà en stade avancé. Bien sur, il faudra apprendre à revoir ses objectifs, reconsidérer le temps consacré à son travail et apprendre à s’affirmer (demander de l’aide, oser dire non…). Mais les véritables portes de sorties se trouvent dans une remise en question : - Sur soi : Qui je suis ? De quoi ai-je besoin ? Quelles sont mes capacités ? Mes limites ? Sur soi et son travail : Quelles sont mes valeurs personnelles et professionnelles ? Cela correspond-il à ce que j’envisageais en entrant à ce poste ? Ai-je l’impression de subir des choses dans mon milieu professionnel ? Et sur des questionnements existentiels : Pourquoi cette posture ? Comment ai-je pu en arriver là ? Quels moyens puis-je mettre en oeuvre pour aller mieux ? Qu’est-ce que je cherche dans la vie ? Quelle est ma propre définition du bonheur ?Pour moi qu’est-ce que la liberté ? Quand est-ce que je me sens libre ?…
Alors en entreprise, qui peut être concerné ? tout le monde malheureusement. Nous assistons en effet à une croissance du nombre de burn-out constatés, alors même que l'article L 4121-1 du nouveau Code du travail,  met à la charge de l'employeur l'obligation de veiller à la santé physique et mentale des salariés, et de prendre les mesures nécessaires à cette effet.

Si l’entreprise est un lieu de performance et de pression, d’exigence, à travers des objectifs individuels et collectifs, tout le monde ne tombe pas, pour autant, en burn-out. Il y a donc une part de cause qui relève de l’individu propre, qui s’est placé lui-même dans une spirale d’exigence forte, voir une situation insoutenable : ainsi, après des débuts professionnels grisants, la recherche d’une forte reconnaissance, le besoin de se prouver à soi-même ou d’autres une sur-performance, l’individu éprouve une difficulté à déléguer une partie de ses tâches. Le processus s’enchaîne : refus de prise de congé, travail nocturne et durant le week-end, isolement, saut d’humeur, hyper sensibilité, émotivité, colère, problème de management, « pétage de plomb », apparition de soucis de santé (comme le dos…). Tout ceci doit alerter l’individu concerné bien entendu, mais aussi son entourage professionnel et la Direction des Ressources Humaines de l’entreprise. Ces actes répétés manifestent en effet le début d’un épuisement, qui va très probablement se concrétiser à terme par un arrêt de travail.

Toutes les entreprises n’ont pas encore mis en place un dispositif de prévention des burn-out, qualifié généralement de prévention des risques psycho-sociaux. Ces programmes prévoient des mesures visant à

  • assurer un bon équilibre en vie professionnelle et vie personnelle,
  •  rappeler les règles de civilité,
  •  la bonne gestion du stress,
  •  travailler à une meilleure organisation du travail,
  •  sensibiliser les managers,
  • former l’ensemble des équipes RH, chargées de repérer en amont les signaux faibles.

L’objectif est ainsi d’éviter toute dégradation des situations individuelles et collectives, et de favoriser les meilleures conditions de travail, permettant de combiner performance d’entreprise et épanouissement de chacun.

Si l’entreprise est un lieu de burn-out, toutes les organisations sont concernées. Ainsi, le Pape François est-il lui-même vigilant à ce sujet concernant les prêtres.  (cf une homélie prononcée durant la messe chrismale, jeudi 2 avril 2014, « comme il est difficile d’apprendre à se reposer »). Il rappelle régulièrement dans ses tweets l’importance du repos, partie intégrante de la Création (10/10/2015 : Le travail est important, mais aussi le repos. Apprenons à respecter le temps de repos, surtout celui du dimanche)

Burn-out et Foi, ou comment retrouver le Souffle

Notre monde fait l’apologie du modèle du dominant, qui préside tout particulièrement dans le monde du travail.

A la charte du bonheur consumériste, opposons celle des Béatitudes

En effet, nous vivons dans nos activités professionnelles une pression extrêmement forte, alors que nous sommes tous incroyablement fragiles.

Chacun se construit un équilibre précaire de ce qu’il a reçu de sa famille, de son histoire, de ce qu’il construit au fil des jours

Cet équilibre, pour nous chrétiens, c’est l’acceptation de notre finitude, de notre faiblesse et de nos limites. 

Nous sommes invités à sortir de l’orgueil, qui nous fait vivre dans le regard de l’autre, regard qui bien souvent finit par dicter nos actes et nos pensées et nous asphyxier.

Si je ne vis que dans le regard des autres, je suis épuisée puisque c’est une course sans fin, sans bienveillance, en particulier dans le monde professionnel.

Je n’entends plus mon souffle, ni le Souffle de l’Esprit.

Le manque d’attention au spirituel nous détruit à petit feu.

La prière peut me faire sortir de cet orgueil.

La question du burn-out pose finalement la question : qu’est ce qui est en premier dans ma vie ?

Le travail a pris une telle place dans ma vie, que le burn-out m’invite à trouver un nouvel équilibre de vie.

Passer du « Je fais donc je suis » à « Je suis et je rayonne dans mes différents pôles : famille, travail, loisirs, projets, amis, spiritualité »

Le burn-out est une occasion de trouver le repos intérieur par une spiritualité renouvelée, et de réapprendre à s’estimer et à s’aimer.

Le sujet n’est pas nouveau. Déjà en l'an 1149, Bernard de Clairvaux adressait la lettre suivante au Pape Eugène III :
« Comment peux-tu être vraiment présent pour les autres si tu t'es perdu toi-même ? Si tu passes toute ta vie en activités et si tu ne te crées plus d'espace pour le silence, je ne te soutiens pas. Commence à te découvrir, pour que tu ne t'oublies pas en allant vers les autres. À quoi te sert-il de gagner le monde entier si tu t'y perds ? Comment peux-tu être pleinement humain, si tu t'es perdu ? Toi aussi, tu es un être humain. Pour que ta bonté soit parfaite, tu ne dois pas seulement être là pour les autres, mais tu dois avoir un cœur attentif à toi-même. À quoi cela te sert-il de gagner le cœur des humains en t'y perdant ? Si toutes et tous ont le droit d'avoir une part de toi, sois alors aussi un homme qui a le droit de t'avoir. Pourquoi serais-tu le seul qui n'ait rien de toi-même ? Combien de temps encore offriras-tu ton attention à tous, sauf à toi-même ?
Tu te sens proche des sages et des fous et tu ne reconnais pas ce devoir d'être proche de toi-même. Tout le monde puise dans ton cœur comme si tu étais une fontaine publique et toi, tu restes assoiffé à côté. Laisse ton eau couler tranquillement à travers les places de Rome, mais avec tout le monde, bois aussi de l'eau de ta source. N'es-tu pas étranger à tous si tu restes étranger envers toi-même ? Oui, celui qui est mal avec lui-même, avec qui peut-il être bon ? N'oublie pas: offre-toi à toi-même ! Je ne dis pas : fais-le toujours, mais je dis : fais-le de temps à autre. Sois comme pour tous les autres: présent pour toi aussi.
 »